24 avril 2024 : Journée internationale du chien guide
Interview de Thomas Dubois, athlète malvoyant et maître-chien guide
Publié le |
A l'occasion de la Journée internationale du chien guide, Thomas Dubois, para-athlète et maître-chien guide, s'est prêté au jeu de l'interview. Il décrit ce lien fort avec Jarode, son chien guide, qui lui apporte une aide précieuse au quotidien.
Bonjour Thomas, qui êtes-vous et quelle est votre histoire avec votre chien guide ?
Je m’appelle Thomas Dubois, j’ai 24 ans et je suis en école de kinésithérapie.
J’ai perdu la vue à l’âge de 10 ans. J’ai eu mon premier chien, Fidji, à l’âge de 12 ans avec la Fondation Frédéric Gaillanne. J’ai gardé ce premier chien quatre ans, mais à la suite d’une maladie, il a dû être réformé. L’année de mes 16 ans, j’ai eu mon deuxième chien guide, Jarode, toujours avec la Fondation Frédéric Gaillanne. Il a été préparé à devenir chien guide pendant deux ans puis il a travaillé avec moi pendant huit ans.
Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre un chien guide ?
Quand j’étais plus jeune, je voulais avoir un chien mais mes parents préféraient que j’attende ma majorité. A l’époque seule la fondation Frédéric Gaillanne, anciennement Mira Europe, proposait des chiens pour les personnes de moins de 18 ans. Avant de prendre un chien, on doit faire un stage de trois semaines à la fondation. Ce stage permet d’apprendre à se déplacer avec un chien guide, à lui faire confiance, à connaître les ordres à donner et tout l’aspect relationnel avec le chien. On apprend à bien s’occuper de son chien en toute autonomie, à lui donner à manger, lui faire ses soins… Avoir un chien guide à ses côtés en tant que malvoyant est une aide précieuse. On a constamment une présence sécurisante avec soi, une compagnie. C’est un peu un « brise-glace » au niveau social. Avec une canne, les gens ne savent pas toujours comment s’y prendre pour te parler ou te poser une question. C’est aussi une aide pour l’autonomie et l’indépendance car le chien guide aide à faire des trajets sans avoir à balayer devant soi, contrairement à la canne qui ne contourne pas les obstacles. Personnellement, cela me demande beaucoup moins de concentration de me déplacer avec un chien guide. Je peux marcher et faire autre chose en même temps comme être au téléphone, parler à quelqu’un. Je marche plus vite avec le chien, plus assuré, et je suis moins fatigué à la fin de la journée. Mon chien m’apporte beaucoup : il m’a permis de réaliser de nombreux projets, d’être plus autonome, il m’aide dans tous mes trajets et me permet de faire des choses que je ne n’oserais pas faire seul avec la canne.
Quelle relation avez-vous avec votre chien guide ?
C’est une relation très forte, on devient inséparables. Il reste toute la journée avec moi, dans chacun de mes déplacements et même à la fac. Dans les moments de détente lorsque je suis chez moi, lui aussi peut se détendre car il a fini sa journée de travail. Il devient un chien de compagnie classique.
Jarode part bientôt à la retraite mais il m’est impossible de m’en séparer alors je le garde comme chien de compagnie.
Vous êtes aussi un sportif de haut niveau, en quoi consiste votre pratique sportive ?
J’ai commencé le ski de fond quand j’habitais à Annecy en Haute Savoie en 2010, quand j’ai perdu la vue. Dans ma pratique sportive, je ne suis pas guidé par mon chien mais par un guide « humain ». J’ai fait un stage national sur le ski de fond dans le club Vercors Handisport avec d’autres athlètes handisports et des bénévoles guides. Après ce stage, j’ai pu participer à des coupes de France et des championnats de France ce qui a déclenché mon projet de partir en internat en sport études pour m’entrainer intensément en ski. Je suis rentré en équipe de France paralympique avant mes 18 ans et j’ai fait ma première coupe du monde en 2017. Après une belle saison de coupes du monde 2017-2018, j’ai pu me qualifier aux Jeux paralympiques organisés en Corée du Sud à P'yŏngch'ang en 2018. Cette expérience était incroyable !
Ce sont de très beaux souvenirs et je suis fier de tout ce que j’ai accompli. Aujourd’hui j’ai fait le choix de mettre en second plan ma pratique sportive pour me consacrer entièrement à mes études de kinésithérapie.
Un ou plusieurs beaux souvenirs sportifs ?
Je pense à l’une des courses en Allemagne qui m’a permis de participer aux Jeux de P'yŏngch'ang. Nous avions la sensation que tout nous réussissait avec le guide qui m’accompagnait. La cérémonie d’ouverture des Jeux avec l’entrée dans le stade est aussi un très beau souvenir. Pendant les courses en Corée, mon père et mes deux sœurs ont fait le déplacement au dernier moment pour venir m’encourager. C’était très motivant de pouvoir les entendre au départ.
Est-ce que vous avez un message à faire passer ?
Je ne sais pas si j’aurais eu le courage de faire tout ça sans un chien guide à mes côtés. J’aimerais aussi insister sur le fait que la Fondation Frédéric Gaillanne donne des chiens à des jeunes de moins de 18 ans et qu’il faudrait que ça se démocratise davantage. On peut tout à fait s’occuper d’un chien avant 18 ans.