Discours de Mme Geneviève Darrieussecq lors de la conférence de la Présidence tchèque de l'Union européenne sur l'intégration des personnes en situation de handicap au marché du travail
Prague, le 20 septembre 2022
Publié le |
Discours de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées lors de la conférence de la Présidence tchèque de l'Union européenne sur l'intégration des personnes en situation de handicap au marché du travail, le 20 septembre 2022.
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Vice-Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues,
Madame la Commissaire,
Mesdames et messieurs,
Je tiens à remercier chaleureusement le gouvernement tchèque, qui assure la présidence du Conseil de l’Union européenne, d’avoir pris l’initiative de nous réunir aujourd’hui, entre Européens, autour de ce sujet si important de l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le marché de l’emploi.
Je suis particulièrement heureuse de pouvoir m’exprimer devant vous, aujourd’hui, dans un cadre européen, pour la première fois dans les fonctions qui sont les miennes.
Ces moments de rencontre sont précieux, car je suis persuadée que c’est en s’inspirant les uns des autres que l’on peut progresser tous ensemble, en faisant émerger les bonnes pratiques.
Permettez-moi de vous proposer un exemple, qui concerne précisément l’emploi des personnes en situation de handicap. C’est grâce à ce type d’échange que la France a pu, en s’inspirant de ce qui était fait par le gouvernement irlandais, lancer l’initiative Duoday, consistant à associer, sur une journée de travail, une personne en situation de handicap et un travailleur, afin de faire tomber les barrières mentales et les stéréotypes sur les compétences des personnes handicapées. Nous nous félicitons de constater que l’an dernier, près d’une personne sur cinq a pu profiter d’une opportunité professionnelle dans la foulée de cette expérience. Duoday en sera à sa 5e édition et aura lieu lors de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, du 14 au 20 novembre 2022, que vous connaissez bien toutes et tous.
Je profite par ailleurs de l’occasion de m’exprimer ici pour vous lancer un appel.
La France accueillera en 2023 à Metz la 10e édition des Abilympics. Cette compétition internationale de métiers, organisée tous les 4 ans sur le modèle des olympiades, prend au fil des années une importance de plus en plus reconnue. La France a accueilli en 2016 la précédente édition, avec trente-et-un pays présents et des compétitions concernant plus de cinquante métiers différents.
Alors que les pays participants ont choisi de ne pas se rendre en Russie pour la nouvelle édition, la France s’est portée à nouveau candidate. Nous sommes en effet convaincus que c’est une belle manière de mettre en avant les compétences des personnes en situation de handicap et de travailler à leur meilleure inclusion dans le marché du travail.
La présidente Van der Leyen a annoncé, dans son discours sur l’état de l’Union européenne du 14 septembre dernier, que 2023 serait une année européenne des talents et de la formation. Pour que ce projet prenne chair, il nous paraît important que l’Europe soit fortement représentée dans cet événement international, avec une participation la plus exhaustive possible des pays membres de l’Union européenne. J’en appelle donc à vous toutes et tous, mesdames et messieurs, et j’aurai l’occasion de vous écrire à ce sujet.
Je me réjouis par ailleurs de constater la grande continuité entre la présidence tchèque et la présidence française. Les sujets qui nous occupent aujourd’hui avaient en effet déjà en partie fait l’objet de nos travaux, lors de la conférence ministérielle du 9 mars 2022 à Paris. Mme la Commissaire avait alors pu présenter l’initiative du paquet emploi de la Commission européenne, et je crois que nous étions particulièrement intéressés de voir son contenu préciser.
De manière globale, je crois que nous portons tous ici, autant que nous sommes, la même conviction forte : les personnes en situation de handicap doivent avoir la possibilité d’accéder, comme tout citoyen européen, à un emploi. C’est là une condition essentielle de leur inclusion dans la société.
C’est d’abord une question de droit – et il est important de le rappeler. Un droit qui est garanti par l’article 26 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, mais aussi par l’article 27 de la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées, qui a été signée par tous les pays membres.
Mais par-delà, c’est aussi une question sociale et économique.
Lorsque le gouvernement français s’engage vers une société du plein emploi, il est bien entendu hors de question que les personnes en situation de handicap soient tenues à l’écart de ce chemin.
Nous savons que le chômage des personnes handicapées est structurellement fort, dans toute l’Europe. Mais nous savons aussi qu’il peut en être autrement. Globalement, le chômage diminue partout en Europe, avec les conséquences que nous connaissons sur le marché du travail et les tensions qui en résultent. Nous devons profiter de cet élan et tout faire pour que les personnes en situation de handicap ne soient pas tenues à l’écart de ce mouvement.
Si je prends l’exemple français, le chômage a baissé pour les personnes en situation de handicap, passant de 18% en 2018 à 14% en 2022, alors que le nombre d’apprentis en situation de handicap était multiplié par deux. C’est certes un bon résultat, parce que la baisse a été conséquente, mais il y a encore un trop grand écart par rapport au chômage de l’ensemble de la population française, et cela doit donc nous encourager à aller de l’avant et à accélérer encore notre action commune.
Pour nous Français, la stratégie est claire, orienté par cet objectif de plein emploi pour tous, et encouragée par ces premiers résultats qui nous montrent le chemin.
Nous devons simplifier les démarches et les parcours des personnes vers le travail, en faisant en sorte que les services publics de l’emploi soient les plus efficaces et les plus accessibles possibles, à toutes les personnes et sur tous les territoires.
Nous devons faire en sorte que le travail paie. Pour cela, il faut que le fait d’avoir un emploi soit toujours plus valorisé que le fait d’être sans activité, si cette absence d’activité est choisie et non pas imposée. Car j’ajoute tout de suite qu’il faut en même temps garantir une solidarité sans conditions à nos concitoyens en situation de handicap qui ne peuvent pas trouver un emploi.
Nous devons aussi fluidifier les trajectoires entre le secteur de l’emploi protégé, où ont été trop longtemps cantonnées les personnes en situation de handicap, et le milieu ordinaire : d’une part parce que nous ne pouvons plus accepter qu’elles soient mises à l’écart, et d’autre part parce que nous devons mettre à profit les talents trop peu mobilisés et pourtant si nombreux des travailleurs en situation de handicap. Nous devons ainsi assurer aux travailleurs du milieu protégé les mêmes droits qu’à l’ensemble des salariés.
Nous devons mobiliser et aider nos entreprises pour qu’elles soient sensibilisées aux questions de handicap dans toute leur globalité.
Nous devons former, au début des carrières et tout au long de la vie, parce que c’est par la formation et par l’acquisition de compétences que l’Europe pourra créer des emplois de qualité pour tous. Les formations et les études doivent donc être accessibles, par l’aménagement de l’environnement comme par la compensation spécifique. À cet égard, le renforcement d’Erasmus+ est aussi une mesure qui doit favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap pour la génération de nos enfants.
Mais au fond, ce n’est pas seulement le paquet emploi en particulier, mais bien l’intégralité de la stratégie 2021-2030 en faveur des droits des personnes handicapées qui doit être opératoire pour l’inclusion dans le marché du travail :
Améliorer l’accessibilité universelle de nos sociétés, c’est faciliter l’embauche des personnes – et à cet égard, le gouvernement français s’est engagé à accélérer dans la transposition de la directive européenne de 2016.
Faciliter la circulation des personnes dans toute l’Union européenne, c’est aussi faciliter leur employabilité – et j’en profite pour rappeler la volonté de la France que la carte européenne du handicap voie le jour aussi vite que possible.
En bref, nous devons expérimenter, essayer, tenter.
Et pour ce faire, nous devons écouter – nous écouter nous autres, entre partenaires européens, mais surtout écouter les premiers concernés, les personnes en situation de handicap. La co-construction est, en matière d’emploi comme pour tous les autres sujets, une exigence absolue.
Je le redis, une fois encore : nulle fatalité à ce que les personnes en situation de handicap demeurent hors de l’emploi. Et je crois que si nous sommes tous réunis ici, aujourd’hui, c’est bien parce que nous autres Européens partageons fièrement cette conviction.
Je vous remercie.