Discours des Voeux de Sophie Cluzel aux membres du CNCPH
18 janvier 2018
Publié le |
Madame la Présidente, chère Dominique Gillot
Monsieur le Défenseur des Droits,
Mesdames, Messieurs les Présidentes et présidents d’associations,
Mesdames, Messieurs les membres du CNCPH,
En ce début d’année, le premier dans l’exercice de mes fonctions gouvernementales, il me tenait particulièrement à cœur de présenter mes vœux les plus chaleureux à l’ensemble de la société civile, aux associations représentatives de la diversité du handicap, dont je mesure particulièrement, vous le savez, l’importance pour notre politique et les personnes en situation de handicap.
Il m’est apparu évident de faire dans le cadre de votre assemblée. C’est en effet le comité national consultatif des personnes handicapées qui réunit le plus largement, et dans toute sa diversité, tout le monde du handicap, lui auquel le législateur a confié la très importante mission d’assurer « la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques qui les concernent ».
Cette diversité – 116 membres ! - est sa richesse et votre force. Elle permet en effet à la fois de réunir une expertise extrêmement large sur les très nombreux domaines concernés par le handicap et de faire, quand nécessaire, la synthèse des aspirations diverses que vous exprimez chacun, pour faire entendre haut et fort la voix des personnes handicapées.
Cette assemblée rassemble des hommes et des femmes de conviction, qui ne comptent pas leur énergie pour faire avancer l’effectivité des droits des personnes handicapées.
Je veux vous dire, d’abord, que je suis heureuse de compter sur vous tous et toutes, de m’appuyer sur votre expertise, sur vos convictions, sur votre militantisme, pour faire avancer la politique et l’effectivité des droits.
En saluant votre force d’interpellation, qui est indispensable pour continuer de bousculer et la société et les pouvoirs publics, j’ai une pensée particulière pour Maudy PIOT qui nous a quittés à la fin de l’année 2017. Je sais que vous lui avez rendu hommage un peu plus tôt. Je tiens à saluer à mon tour cette belle figure militante qui a consacré sa vie à la défense de la cause de toutes les femmes. A travers son association Femme pour le Dire Femme pour Agir, qui est membre du CNCPH et dont je salue les représentants ici présents, elle a pu mettre en lumière les violences spécifiques dont peuvent être victimes les femmes handicapées. Elle s’est battue pour qu’elles prennent la parole et que leurs droits soient reconnus. Son combat doit se poursuivre pour toutes les citoyennes, handicapées ou non.
Avant de me projeter avec vous sur l’année qui s’ouvre, je veux, comme il est usuel de le faire, me retourner un instant sur l’année écoulée.
Je le fais avec une forme de gravité, car il me semble important que nous nous remémorions ensemble que le choix d’une société inclusive n’était pas acquis aux premiers jours de l’année 2017. Ses premiers mois ont été des mois de débats, certains âpres et rudes. L’exercice démocratique intense et majeur pour notre République que représente l’élection du président, immédiatement suivi de celle des députés à l’Assemblée nationale, a donné lieu à beaucoup d’interrogations, voire d’angoisses, sur la manière dont nous choisirions collectivement de nous projeter sur cette nouvelle mandature.
Notre société a fait un choix de rupture, mais un choix de rupture positive, qui lui a permis de réaffirmer son attachement à des valeurs humanistes et de cohésion qui sont particulièrement signifiantes pour la politique qui nous réunit.
C’est fort de ce mandat, c’est animé de ces convictions, que le gouvernement a fait du handicap une priorité pour le quinquennat, une priorité pour renforcer notre société parfois fracturée, par la reconnaissance de la richesse constituée par nos différences.
Et c’est pour faire vivre cette priorité que j’ai engagé dès ma prise de fonctions plusieurs chantiers urgents dont je vous ai rendu compte.
La préparation d’une rentrée scolaire fluide pour l’ensemble des familles
Avec Jean-Michel Banquer, nous avons sécurisé les moyens d’accompagnement nécessaires à la couverture de l’ensemble des besoins, notamment par l’accélération de la transformation des contrats aidés en AESH. Pour la première année à la rentrée 2017, les AESH sont devenus plus importants, en équivalent temps plein, que les contrats aidés.
Mais nous avions clairement à l’esprit qu’il s’agissait de « parer au plus pressé » et que le système d’accompagnement actuel était à bout de souffle.
Dès la rentrée passée, j’ai ainsi lancé, conjointement avec le ministre de l’Education nationale, une série de travaux pour définir un plan global de transformation du système éducatif et médico-social au service de l’école inclusive. Les missions sont lancées, les expérimentations s’initient. Vous en êtes informés. Vous aurez toute votre place dans ce chantier, j’y reviendrai.
Le lancement et le suivi de la concertation préparatoire du 4e plan autisme a constitué une autre de mes priorités.
Sur la base des travaux d’évaluation du 3e plan qui avaient pointé les limites de celui-ci, j’ai attaché une importance particulière à définir une méthode pleinement ouverte, territoriale, et participative de préparation de ce plan dont le lancement au palais de l’Élysée a marqué l’importance.
Sous l’égide du comité de pilotage présidé par Claire Compagnon, dont je salue la droiture et l’engagement à maintenir serrés les fils du dialogue entre l’ensemble des parties prenantes, des travaux de très grande qualité ont été conduits dans cinq groupes de travail nationaux et les multiples instances territoriales animées par les services déconcentrés de l’Etat.
Leur synthèse a été partagée dans un comité de pilotage de décembre.
Elle permet aujourd’hui au gouvernement de disposer d’une base extrêmement riche pour préciser, chiffrer, consolider, hiérarchiser, et enfin arbitrer. Je salue l’engagement de nombre d’entre vous qui ont été mobilisés par cette concertation afin que notre pays puisse rejoindre au travers de ce plan les meilleurs standards internationaux.
La revalorisation de l’allocation adulte handicapé a également constitué une priorité afin que nous puissions « cranter » dans la première loi de finances de la mandature la mise en œuvre de cet engagement présidentiel majeur.
L’arbitrage rendu par le Premier ministre dans le cadre de la construction de la loi de finances permettra de porter le niveau de cette allocation servie à plus d’un million de bénéficiaires à hauteur de 900 € mensuel à horizon 2019, au travers de deux revalorisations exceptionnelles.
Je sais que les conditions retenues pour cette revalorisation ont terni, pour certains d’entre vous, la portée de cette mesure. J’ai retenu que nous pouvions faire mieux en termes de concertation et, tout simplement, de communication entre nous.
Mais je reconnais que le gouvernement a dû faire des choix pour prioriser cet effort en direction de ceux qui le nécessitait le plus, et je les assume. Je ne me résoudrai pas à laisser dire que l’investissement de plus de 2,5 milliards que représente cette mesure en faveur de la lutte contre la pauvreté subie des personnes handicapées se fait au détriment des personnes. J’y ai veillé avec soin.
J’ai mis toute mon énergie par ailleurs, à consolider la dimension interministérielle de la politique du handicap et à renforcer son caractère partenarial, en capitalisant sur le rattachement au Premier ministre de mon secrétariat d’État.
Je l’assume, et je sais que je vous ai, pour cela aussi, à mes côtés, même s’il m’en coûte un temps qui me rend moins disponible pour vous rencontrer et échanger en direct avec chacun aussi souvent que je le voudrai.
Oui, je ne suis pas la ministre du secteur social et médico-social, aussi respectable et précieux soit ce secteur. Je suis la ministre des personnes handicapées, et je suis résolue à travailler l’ensemble des dimensions de la vie de la personne.
La réunion, dès la rentrée de septembre, d’un premier comité interministériel du handicap présidé par Edouard PHILIPPE a permis de définir des axes de mobilisation partagés pour l’ensemble du gouvernement en faveur de l’amélioration du quotidien des personnes.
La désignation de hauts fonctionnaires au handicap dans chaque ministère, afin de préciser les modalités de mise en œuvre et de suivi des plans d’action ministériels, a nécessité un délai un plus long qu’imaginé. Il témoigne, s’il était besoin, que des efforts de mobilisation important restent à accomplir sur ce sujet ! Nous y sommes désormais et je réunirai l’ensemble des hauts fonctionnaires le 29 janvier prochain pour un premier partage de priorités et de chantiers.
Je compte sur vous pour leur faire le meilleur accueil, quand ils prendront bientôt, très vite, votre attache, comme nous allons les inviter à le faire !
J’ai également porté un soin particulier à renouer le fil d’un dialogue confiant avec l’ensemble des départements, qui constituent les premiers de mes interlocuteurs. Je suis convaincue que nous ne pourrons progresser qu’ensemble dans la construction d’une politique pleinement efficiente et plus inclusive.
En ce sens, c’est avec Dominique Bussereau, président de l’ADF, que j’ai signé un courrier adressé aux cent présidents et présidentes de départements, afin de les inviter à s’engager résolument dans le chantier de déploiement du système d’information commun des maisons départementales des personnes handicapées qui va être mis progressivement en service à partir du premier trimestre. Il va permettre aux MDPH, plus de 10 ans après leur création, de disposer enfin d’outils à la hauteur de leurs missions et de leur charge. Il doit nous permettre également de disposer des données consolidées qui font aujourd’hui tant défaut dans la connaissance des besoins et pour le pilotage des politiques.
Les chantiers pour 2018 sont nombreux.
Je ne serai pas exhaustive mais veut en citer deux qui me sont particulièrement chers :
L’école inclusive
Notre ambition en la matière est de mettre en œuvre pleinement l’engagement du Président et de répondre à un des principaux motifs d’insatisfaction des familles, face aux difficultés persistantes de scolarisation des élèves en école ordinaire.
Car, si 57% des enfants handicapés sont scolarisés dans le primaire, ils ne sont plus que 33% au collège et seulement 10% au lycée général ou technique. Il faut progresser et organiser la « montée en qualification » de nos jeunes, qui est à notre portée.
Le « plan de transformation du système éducatif et médico-social » que nous allons dérouler sur plusieurs années afin de garantir le droit à une scolarisation de qualité à tous les élèves en situation de handicap, inclut en ce sens les grands axes suivants :
- mieux informer, former et accompagner les enseignants : cela inclut la mise à disposition à la rentrée 2018 d’une « plateforme nationale » permettant l’accès des enseignants à des ressources « en 3 clics » allant d’un « kit de base » au parcours M@gistère et une mise en relation avec enseignant/formateur expert, avec accompagnement si nécessaire.
- multiplier et diversifier les modes de scolarisation : cela passe par la création de 250 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) supplémentaires durant le quinquennat en lycées généraux, technologiques et professionnelles ; le doublement d’ici 2020 du nombre d’unités d’enseignement externalisées au sein de l’école (UEE) ; la démultiplication des partenariats territoriaux école/médico-social qui permettent la prise en compte des besoins éducatifs particuliers des élèves en situation de handicap.
- conduire les élèves à un diplôme ou une certification professionnelle, notamment en simplifiant et aménageant le passage d’examen (nous nous appuierons sur les travaux d’une mission d’inspection en cours), en prévenant les échecs scolaires et en simplifiant les transitions.
- adosser l’offre médico-sociale à l’école : en accélérant sa mutation vers des interventions en appui à l’inclusion « dans la vie quotidienne ». Il s’agit là de décliner dans le secteur particulier de la jeunesse un de mes objectifs majeurs, abordé ce matin même en comité de pilotage de la transformation de l’offre que j’ai co-présidé avec le président du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry
- améliorer le recrutement et l’organisation du dispositif d’accompagnement des élèves handicapés : nous avons lancé une mission sur les process territoriaux alors que certaines académies ont connu des tensions particulièrement vives. Les services centraux ont également initié un travail sur l’élargissement des viviers de recrutement et la simplification des process. Un impératif d’efficacité doit nous guider pour garantir que les 100% des décisions de recrutement soient suivies d’effets.
- enfin, transformer durablement le dispositif d’accompagnement à partir d’expérimentation de modes de gestion mutualisée
Ce chantier est donc très vaste. Certaines de ses mesures sont précises, d’autres reposent sur des expérimentations, appellent des études complémentaires des inspections compétentes, vont s’inscrire dans la durée de plans de formations.
Toutes impliquent une mobilisation collective au service du plein exercice du droit à scolarisation de tous les enfants et jeunes de la République.
Je vous ai saisi, au travers de votre présidente, d’une demande de contribution sur ce chantier, en vous précisant plusieurs questions. Vous aurez à cœur, j’en suis convaincue, de dépasser ce cadre et de l’élargir. Je n’ai qu’une demande : soyez libres et imaginatifs !
L’entreprise inclusive
L’emploi des personnes handicapées constitue le 2e axe majeur de travail, en lien étroit avec les services et le cabinet de la ministre du travail.
Mes objectifs pour 2018 sont de :
- Rendre plus efficient les outils de la politique de l’emploi des PH.
Il est urgent de simplifier et d’améliorer l’accès aux prestations, services et aides financières proposés tant à destination des PH que de leurs employeurs du secteur public et privé
Je souhaite mieux mobiliser l’apprentissage en tant qu’il est un outil de transition qui sécurise l’accès à l’emploi - Optimiser les moyens de la politique d’emploi des PH et renforcer sa gouvernance, au moment où une série de rapports viennent de nous être remis qui ouvrent de nombreuses pistes pour plus d’efficacité
- Renforcer la mobilisation des partenaires sociaux et l’engagement des employeurs du secteur public et privé pour augmenter le taux d’emploi direct des personnes handicapées et lutter contre le chômage de ces personnes.
J’ai la conviction qu’il est nécessaire de refondre la politique d’emploi des personnes handicapées de manière globale, en prenant en compte l’ensemble du parcours des personnes, de l’accès, l’intégration jusqu’au maintien en emploi pour sortir d’une politique aujourd’hui cloisonnée.
Je pense qu’il est temps de replacer les employeurs comme des « acteurs » de cette politique, de rénover cette politique en concertant avec les partenaires sociaux, de convaincre que recruter autrement c’est un atout pour rester compétitif.
Je souhaite que cette politique soit calée sur les besoins des personnes et des employeurs, pour sortir d’une politique pilotée par les ressources.
En complément de l’important travail effectué dans le cadre de la concertation sur l’apprentissage – et je salue votre contribution à cet exercice -, je souhaite donc qu’une concertation puisse s’ouvrir entre l’ensemble des acteurs et partenaires de cette politique, afin de :
- nous permettre de sécuriser les moyens dédiés à cette politique et mieux les affecter aux besoins,
- disposer d’une offre de service dédiée aux personnes handicapées et aux employeurs plus réactive, plus lisible.
Cette concertation saura naturellement vous associer ainsi que votre présidente, dont la mission dédiée à l’emploi des aidants et le soutien des travailleurs handicapés, viendra enrichir nos travaux.
Notre défi commun: l’organisation d’une conférence nationale du handicap novatrice et ambitieuse
En proposant de revenir aux fondamentaux du cadre institutionnel de la politique du handicap – un comité interministériel annuel, permettant au premier ministre de piloter la politique du gouvernement, une conférence nationale du handicap moins rapprochée, pour mobiliser l’ensemble de la société – j’ai pleinement conscience de rehausser encore les attentes autour de cette conférence.
Elle doit être un moment fort pour rendre visible le handicap.
Car, oui ce dernier l’est encore trop peu – comme en atteste la récente publication du CSA sur la présence (je devrais dire : l’absence) du handicap dans les médias en 2017 encore.
La prochaine CNH doit être d’abord un exercice de pédagogie pour rendre visible les si nombreux handicaps qui ne le sont pas, et pour aider la société à faire toute sa place aux personnes.
Il doit s’articuler avec les DUODAY, auquel je veux donner, avec votre aide, une dimension nationale. Il doit aussi permettre de soutenir l’engagement des personnes elles-mêmes.
Vous y avez déjà réfléchi collectivement à partir du rapport très intéressant de France bénévolat. Je sais que des projets d’actions émergent en vue de constituer une génération de jeunes handicapés bénévoles pour les JOP2024. Je les soutiendrai bien sûr.
Il est temps, près de 13 ans après la loi de 2005, que les dictionnaires révisent leurs définitions du handicap, comme le propose Droit Pluriel. Il est temps que la société intègre que c’est bien l’environnement qui génère une partie des situations de handicap, et accroissent l’impact des restrictions fonctionnelles. Il est temps d’accentuer l’effort sur l’accessibilité en cette année anniversaire des adap’t dont le gouvernement s’est engagé à ce qu’il en soit fait un bilan absolument transparent avec vous tous.
Là encore, je compte sur votre mobilisation et vos propositions !
Depuis mon arrivée, j’ai voulu travailler en étroite collaboration avec vous. Je suis de très près l’actualité de vos travaux et rencontre fréquemment la Présidente et nombreux d’entre vous. Mon équipe m’informe régulièrement de l’avancée de la coopération rapprochée et des réunions organisées. On peut le dire, les ordres du jour reflètent la vivacité de ce conseil !
Ces derniers mois, la concertation s’est amplifiée et nous avons ouvert ensemble de nombreux chantiers. Au-delà de ceux déjà cités, je pense au travail préparatoire au projet de loi Logement, qui se poursuit en commission prochaine réunion aura lieu le 29 janvier prochain.
Il y a aussi le chantier de la simplification voulu par le Président de la République auquel vous êtes associés. Le projet de loi « État au service d’une société de confiance », qui vous a été présenté en novembre dernier, propose une refonte sans précédent de la relation entre l’administration et les administrés.
Je tiens à vous dire que j’ai mobilisé les services pour sécuriser les moyens de fonctionnement du CNCPH. En effet, je crois beaucoup à la participation des personnes concernées et je souhaite qu’elles puissent venir aux réunions du CNCPH sans que la question financière ne soit un frein à une plus grande représentativité possible de ce conseil.
Je tiens également à saluer particulièrement l’engagement sans faille de votre Présidente Dominique GILLOT, qui ne compte pas son énergie pour faire reconnaitre votre conseil et faire avancer la cause des personnes en situation de handicap.
Je souhaite que cette année nous permette de faire émerger la société fraternelle et inclusive pour laquelle nous nous battons. Je veux donner de la visibilité à vos travaux parce que je crois aux enjeux d’une société inclusive, qui accueille la différence sans peur, avec bienveillance, comme faisant partie de la diversité humaine.
Je formule des vœux pour que cette année soit pleine de ces petits bonheurs qui en font le sel, pour vous et ceux qui vous sont chers .
Et je nous souhaite à tous et à chacun une très belle et heureuse année qui nous permette de réussir ensemble.